Manchots

 

Les Sphénisciformes (Sphenisciformes) sont un ordre d'oiseaux de mer inaptes au vol vivant dans l'hémisphère austral et dont les membres sont appelés manchots. Les manchots à aigrettes (le genre Eudyptes) sont également nommés gorfous. Les espèces modernes sont regroupées dans la famille des sphéniscidés (Spheniscidae).

On fait souvent l'erreur d'appeler ces oiseaux des pingouins. Cette erreur est due à leur ressemblance avec l'espèce disparue du Grand Pingouin mais aussi à la confusion avec le terme équivalent dans les langues voisines du français qui a dérivé pour désigner ces oiseaux.

Les ailes des manchots, devenues inutilisables pour le vol, sont par contre très adaptées à la nage et à la plongée. Elles sont couvertes d'une couche dense de plumes courtes et raides. Le duvet plumeux à la base des plumes piège l'air chaud, tandis que la pointe huileuse isole de l'eau. Le manchot papou peut atteindre 35 km/h à la nage (contre 9 km/h pour le meilleur nageur olympique) et le manchot empereur peut plonger à plus de 520 m pour rechercher de la nourriture, soit le record absolu chez tous les oiseaux.

Le cri des manchots est appelé « braiement » ou « jabotement ».

Le terme « pingouin » et son équivalent anglais ou encore hollandais désignent à l'origine l'espèce d'oiseau inapte au vol †Pinguinus impennis (le Grand Pingouin) qui vivait dans le nord de l'océan Atlantique et qui appartient à la famille des alcidés. Ces termes furent ensuite utilisés par les premiers européens à découvrir des manchots, notamment le Manchot de Magellan et le Manchot du Cap, du fait de leur ressemblance avec le Grand Pingouin et de leur incapacité à voler. On a alors commencé à parler, en français comme dans les autres langues, des « Pingouins du Nord » et des « Pingouins du Sud ».

Cependant les scientifiques ont rapidement compris qu'il s'agissait d'oiseaux n'ayant pas de lien de parenté avec le Grand pingouin, et c'est l'ornithologue français Brisson en 1760 qui créa le genre Spheniscus, éponyme de la famille et de l'ordre, ainsi que le terme « manchot » en français, en référence à leurs ailes réduites, terme qui fut ensuite repris par Buffon pour désigner tous les oiseaux de cette nouvelle famille. Ce terme était encore plus nécessaire en français que dans les autres langues du fait que le terme « pingouin » était utilisé dans le nom d'autres alcidés, comme encore aujourd'hui pour le Petit Pingouin (Alca torda). Aucune autre langue n'ayant créé un nouveau terme pour cette nouvelle famille d'oiseaux de l'hémisphère Sud, les termes équivalents à « pingouin » ont peu à peu désigné uniquement ces nouveaux oiseaux, laissant le Grand Pingouin désigné par des termes utilisant l'équivalent de « alque » (le nom de « Grand alque » a également été créé en français). Ce glissement de sens dans les langues étrangères s'est définitivement figé avec la disparition du Grand Pingouin au début du xixe siècle. Ainsi, face aux autres langues qui ont conservé ou adopté un terme équivalent à « pingouin » pour désigner ces oiseaux, le terme « manchot » a eu beaucoup de mal à s'imposer ailleurs que dans les milieux scientifiques. Même les navigateurs ont bien souvent continué à utiliser le terme de « pingouin » comme le commandant Jean-Baptiste Charcot, dans son Journal de l'expédition antarctique française (1903-1905).

Ces oiseaux sont incapables de voler à cause de leur adaptation à la vie aquatique. Ils sont de taille moyenne à grande (de 40 à 115 cm). Ils ont le corps trapu, les pattes courtes, et leurs ailes sont transformées en palettes natatoires.

On les rencontre dans les régions marines de l'hémisphère Sud, surtout dans les eaux froides antarctiques et sub-antarctiques.

Ces oiseaux sont massifs, avec un cou court, un bec pointu et des pattes palmées. L'articulation des fémurs au niveau de la ceinture pelvienne leur impose une stature verticale au sol. Le fait qu'ils soient massifs et donc que leurs pattes, leur tête, leurs nageoires pectorales et leur queue ne soient pas réellement séparées du corps, leur confèrent une bonne résistance au froid. En effet, la surface en contact avec l'extérieur est réduite. De plus, les fossiles de manchots montrent la présence de sillons au niveau de l'humérus et de la nageoire antérieure, sillons qui indiquent l'existence d'un plexus adapté à la thermorégulation de la circulation sanguine (sorte d'échangeurs à contre-courant entre le sang veineux froid et le sang artériel chaud) pour pouvoir, dans un climat qui était chaud à l'époque, plonger dans des eaux très froides pour aller chercher leur nourriture et qui aujourd'hui leur sert à se protéger contre le climat froid13. Ils possèdent, en outre, une bonne couche de graisse. Leur plumage est coloré, noir sur l'ensemble de la face dorsale et blanc sur le ventre, agrémenté, chez certaines espèces, de rouge, d'orange ou de jaune sur le cou et la tête. Il est formé de petites plumes très serrées, comparables à des écailles, uniformes sur tout le corps, fait unique chez les oiseaux.

Leurs ailes, très réduites, ne leur permettent absolument pas de voler, mais sont formidablement adaptées à la nage. Maladroits et lents sur le sol où ils se laissent volontairement glisser, les manchots sont remarquablement agiles et rapides dans l'eau. Leurs ailes leur servent alors de nageoires, et leurs pattes palmées de gouvernail. Contrairement aux autres oiseaux, chez qui la mue est souvent progressive, les plumes se détachent par plaques chez les manchots. Le manchot en train de muer ne va pas en mer se nourrir.

Les manchots doivent revenir, à terre ou sur la banquise, dans leur colonie appelée rookerie, pour s'occuper de leurs jeunes. Ils sont célèbres pour leurs exploits en matière d'endurance : le Manchot empereur élève ses poussins en Antarctique, dans des conditions parfois extrêmes – températures hivernales inférieures à −60 °C et vents avoisinant les 200 km/h. Pendant deux mois, le mâle jeûne, avec pour seul devoir, celui de couver les œufs, qu'il doit maintenir en équilibre au dos de ses pattes pour les isoler de la banquise de glace.

Leur mode de vie en dehors de la période de nidification est peu connu. Ils passent plusieurs mois d'affilée en mer. Une hypothèse concernant leur sommeil est que celui-ci se déroule un hémisphère cérébral à la fois, à l'image des dauphins et des martinets.

Le plus petit des manchots actuels est le Manchot pygmée qui pèse moins d'un kilogramme, alors que le plus gros, le Manchot empereur, atteint les 45 kilogrammes. La plupart des adultes de cette famille pesant entre 2 et 15 kilogrammes.

Ces oiseaux se nourrissent de poissons, de seiches, de crustacés et de mollusques.

Leur attitude sociale est très développée : ils sont grégaires. Ils se groupent pendant les tempêtes afin de se protéger mutuellement. Comme les oiseaux situés à la périphérie sont très exposés au vent, ils se relaient à cette position en se déplaçant continuellement les uns par rapport aux autres. Ce regroupement en mouvement est appelé « tortue », car elle rappelle la célèbre formation défensive romaine. En effet, même le manchot empereur, très tolérant aux températures basses de l'Antarctique, ne survivrait pas s'il se retrouvait isolé dans la tempête.

La profondeur à laquelle ces espèces peuvent plonger varie selon les espèces. Les Aptenodytes atteignent plus de 500 mètres alors que les manchots pygmées ne dépassent pas les 70 mètres. Les plus grandes espèces peuvent pêcher plus loin à plus grande profondeur. Rappelons que la vitesse de nage des petits poissons (et du krill, mets usuel du manchot) double pour une élévation de température de l'eau de 5 °C à 15 °C, sans que l'oiseau pêcheur voie sa propre vitesse croître.

Les manchots sont célèbres pour leurs penchants sexuels extrêmes, au point que George Murray Levick a autocensuré les découvertes qu'il fit sur ce sujet, lors du séjour de l'expédition Scott dans l'Antarctique de 1910 à 1913. Levick, qui est à ce jour le seul scientifique à avoir étudié le cycle complet de reproduction des manchots, a constaté que ces animaux, pendant la période de reproduction, s'accouplent avec tout ce qu'ils trouvent : de la femelle décédée jusqu'au poussin qu'ils finissent souvent par tuer.

Pendant cette saison de reproduction, ils se rassemblent en immenses colonies - plusieurs milliers de couples - sur des côtes désertes et escarpées. Ces colonies contiennent parfois différentes espèces de Sphéniscidés, mais qui sont alors assez nettement séparées. Seul le manchot à jugulaire niche en effectifs de quelques individus au milieu des colonies de manchots Adélie en Terre Adélie. Leurs sites de nidification peuvent être très difficiles d'accès, et éloignés de plusieurs kilomètres de l'océan. Les différentes espèces n'ont pas les mêmes nids. Certains creusent la glace ou les cailloux pour former un terrier bien protégé, tel le manchot de Humboldt et celui du Cap, d'autres forment un nid à l'aide de brindilles, à l'air libre, tel le manchot d'Adélie. Enfin, les manchots royaux et empereurs gardent leur unique œuf sur leurs pattes. De 30 à 50 jours sont nécessaires à l'éclosion. Les plus petites espèces nichent sous les blocs de rochers comme les gorfous sauteurs ou dans des crevasses comme le manchot pygmée et même dans des terriers comme les espèces du genre Spheniscus.

À la naissance, les petits sont recouverts d'un duvet gris. Les parents vont alors en mer pour chercher de la nourriture et la régurgitent pour leur petit. Lorsque le duvet tombe, le petit s'aventure en mer et doit, dès lors, se nourrir seul.

Le mode de communication des manchots présente quelques similitudes avec le langage des humains. Leurs cris sont conformes à la loi de Zipf et à la loi de Menzerath-Altmann. En effet, les sons (ce qui serait l'équivalent de nos mots) les plus fréquemment utilisés par ces animaux sont les plus courts et plus leurs successions de sons (l'équivalent de nos phrases) sont longues, plus les sons qui la composent sont courts.

En premier lieu, l'homme a été un de leurs prédateurs, les Sphéniscidés ayant été très appréciés pour leur huile. Cependant, l'Antarctique a été une barrière, tant géographique qu'environnementale, à leur trop grande chasse. Les prédateurs naturels sont principalement les phoques léopards et les épaulards. De plus, il faut citer les labbes, les pétrels géants et les skuas qui s'attaquent aux petits et aux œufs.

En dépit du fait que les manchots soient communément associés à l'Antarctique, ils se retrouvent dans nombre d'habitats variés de l'hémisphère austral dans des régions allant de l'Antarctique à l'équateur :

  • Quatre espèces de manchots habitent l'Antarctique et/ou les îles de l'Antarctique : le Manchot empereur, le Manchot Adélie, le Manchot à jugulaire et le Manchot papou.
  • La majorité des espèces de manchots se reproduisent sur des îles dans les eaux sub-antarctiques des mers du Sud (océan Austral), Atlantique Sud, Pacifique Sud et Sud de l'océan Indien. Manchot royal, Gorfou de Moseley, Gorfou doré.
  • Plusieurs espèces de manchots ne se trouvent que sur les côtes et les îles d'Australie et/ou de Nouvelle-Zélande : Manchot pygmée, Gorfou des Snares, Gorfou huppé, Gorfou du Fiordland et Manchot antipode.
  • Plus au nord, se rapprochant de l'équateur, les manchots se reproduisent sur les côtes plus tempérées d'Amérique du Sud et d'Afrique : Manchot de Humboldt, Manchot de Magellan, Manchot des Galapagos et Manchot du Cap.

Certaines espèces effectuent de grandes migrations en pleine mer comme les trois espèces de Pygoscelis et au contraire, d’autres sont sédentaires comme le manchot des Galapagos. Les genres Megadyptes et Eudyptula vivent en Australie et en Nouvelle-Zélande. Les espèces du genre Spheniscus vivent en zone tempérée en Afrique du Sud, en Amérique du Sud ou tropicale aux Galàpagos. Les genres Aptenodytes, Pygoscelis et Eudyptes nichent en territoires australs et antarctiques, en effectifs souvent très importants.


Genre Aptenodytes


Le Manchot royal (Aptenodytes patagonicus)


Très rare, le manchot royal noir 
(atteint de mélanisme)






Le Manchot empereur (Aptenodytes forsteri)


Très rare également, le manchot empereur noir
(atteint de mélanisme)




Genre Pygoscelis :



Le Manchot papou (Pygoscelis papua)





Le manchot Adélie (Pygoscelis adeliae) 





Le Manchot à jugulaire (Pygoscelis antarcticus) 





Genre Eudyptes :


Le Gorfou du Fiordland (Eudyptes pachyrhynchus)





Le Gorfou des Snares (Eudyptes robustus) 





Le Gorfou huppé (Eudyptes sclateri)
aussi appelé Gorfou de Sclater





Le Gorfou sauteur (Eudyptes chrysocome)





Le Gorfou de Moseley (Eudyptes moseleyi)





Le Gorfou de Schlegel (Eudyptes schlegeli) 





Le gorfou doré (Eudyptes chrysolophus) 
ou gorfou macaroni





Genre Megadyptes :


Le manchot antipode (Megadyptes antipodes), 
également appelé manchot des antipodes ou manchot à œil jaune





Genre Eudyptula :


Le Manchot pygmée (Eudyptula minor)





Genre Spheniscus :


Le manchot du Cap (Spheniscus demersus)





Le manchot de Magellan (Spheniscus magellanicus) 





Le manchot de Humboldt (Spheniscus humboldti)





Le manchot des Galápagos (Spheniscus mendiculus)